Nessbeal : Dès que je suis parti en solo, j'ai vu qu'il y avait de l'oseille à prendre. Quand tu vois tes premiers relevés Sacem pour des simples featurings... A l'époque, j'étais avec 92i. Pour un seize mesures, on allait au Sénégal. C'était un truc de malade, je n'en revenais pas. Je me disais : "si pour un seize on à ça, qu'es ce que ça doit être quand on fait un album..." (rires).
Nessbeal : Bien sûr. Avant ça, tu penses seulement à rapper pour ferme la bouche du voisin. Quand tu penses carrière, tu te rends compte qu'il y a beaucoup d'enjeux, des objectifs économiques à atteindre. Tu t'imposes une pression néfaste. Dés lors que tu rentres dans le système, tu perds le plaisir originel. En tout cas, c'est ce qui m'est arrivé. Je ne retrouve le kif que maintenant, à l'occasion du troisième album.
Nessbeal : Pour moi, c'en est un.
Ou se situe le plaisir dans tout ça?
Nessbeal : Comme je le disais précédemment, j'ai renoué avec le plaisir sur le troisième album. Pourquoi? Parce que je me suis retrouvé en situation "précaire". C'était la fini avec Nouvelle Donne et ULM. Je n'avais plus de contrat. Comme lors de nos débuts où on n'avait rien sinon notre stylo et notre bouche. Aussi bien Socrate que Despo ou moi, on s'est construit dans et à partir de rien. En repartant de zéro, on s'est retrouvé avec Skread en studio avec pour seul objectif de prendre du plaisir. On kiffait. Le fait de ne plus avoir cette "putain" de pression m'a permis de faire un album complétement libéré.
Nessbeal : Certains ce sont mis au rap parce qu'ils avaient un casier judiciaire. Du coup, il y a eu engorgement de mauvais rappeurs. Ca débordait de partout. Le problème, c'est qu'on n'a pas su faire le ménage. Quand j'en entends certains, j'ai moi même honte d'être rappeur, de faire partie de cette communauté. C'est cet afflux de mauvaise musique qui a dégouté beaucoups d'auditeurs. On se retrouve assimilés à du rap de merde qui ne sait rien dire d'autre que "nique ta mère, nique ta mère". Je ne veux pas être confondu avec ces énergumènes.
Nessbeal : Le rap m'a énormément offert. Il m'a même sauvé. Sans ça, on ne serait sûrement pas en train de se parler. J'aurais peut être même envie de te frapper. Le rap m'a permis de rencontrer des gens, de voyager, de me confronter à d'autres artistes, de croiser des journalistes, d'acheter un petit bien au bled, de participer financièrement au mariage de ma s½ur... Le rap m'a permis de ne pas mourir avec la mental du quartier. J'aime le quartier mais ce que je déteste par-dessus tout, c'est qu'il te tire vers le bas.
Aujourd'hui, je n'arrive presque plus à discuter avec certains de mes potes. Le fait de rester à la cité t'empêche d'évoluer psychologiquement. Tu deviens un lion. Quand t'en sort, c'est pour manger les gens. Cet état d'esprit me dégoute. Je ne veux pas que mon fils connaisse ça. Je veux qu'il tombe, qu'il apprenne à se relever, qu'il se forge un mental mais surtout pas qu'il vive ça. Dans dix ans, les quartiers populaires auront des airs de "résident evil".
Nessbeal : C'était tout simplement mon destin musical. Il ne faut pas croire que je suis au bord du gouffre, mon parcours me va très bien. Bien sûr que ça m'a éc½uré sur le coup parce qu'on a bossé durement avec l'équipe qui m'entoure.
Mais tant que j'ai de quoi payer le loyer de ma mère, à manger et à boire, le reste, la gloire, je m'en fous royalement. Je doute seulement du business, mais pas de moi. Mentalement, je suis blindé.
Vous vous voyez encore rapper à 40 ans?
Nessbeal : Moi, non, franchement. J'ai aujourd'hui 31 ans, j'ai encore envie de faire des disques mais dans dix ans, j'espère consacrer ma vie à autre chose, à quelque chose de plus spirituel que la musique. J'ai besoin d'autres objectifs, de voir et d'apprendre d'autres choses. J'ai beaucoup donné au rap. Quand j'étais petit, au lieu de faire mes devoirs, j'écrivais les textes de Ministère Ämer sur mes cahiers. Au lieu de faire une interview, je pourrais être avec mon fils. Je ne l'ai pas vu grandir. J'ai beaucoup sacrifié de mon temps pour cette musique. Quand tu vois Socrate qui monte son propre studio, c'est énormément de sacrifices financiers.
Si tout devait s'arrêter demain, quel serait votre plus gros regret?
Nessbeal : Si tout s'arrêtait après le troisième album solo, je n'aurais pas grand chose à regretter, honnêtement. Il faut savoir qu'à la base, je n'étais pas fait pour le rap, on me disait que j'étais nul donc je n'ai pas à me plaindre. Bien sûr, j'aurais aimé faire plus de concerts, remplir des grosses sales... Quand j'ai fait l'Elysée Montmartre avec La Fouine, j'ai pris un plaisir monstrueux. Je n'avais jamais autant kiffé sur une scène.
NESSBEAL-03
SA-Watiii-B, Posté le vendredi 21 mai 2010 18:55
Aiiie , Jee les kiffes ces 3 là (l)